dimanche 3 août 2008

Tapaâlai sanchai chha ? - scènes de la vie quotidienne

Kathmandu, Népal
Dimanche 3 Août


Parlons pétrole. Les queues se sont allongées dans les rues autour des stations essences ces dernières semaines, créant des embouteillages. Les hommes, car se sont à 90% des hommes, attendent regroupés sur les marches des magasins. Ou dans leur voiture. J’en ai vu dormir dedans ou jouer aux cartes à l’intérieur. Voilà comme un pays peut avoir une grande partie de sa population inactive, faisant la queue. La station essence près de chez moi est à 20 min à pied. La queue de motos et de voitures arrive presque jusqu’à chez moi. Au moins 500m de queue, et la queue ne désemplit pas, même de nuit. Les gens laissent leur voiture la nuit pour être sûr d’avoir un peu d’essence le lendemain. Mon voisin me commentait qu’il avait fait 4h de queue pour 3L d’essence. C’est 3L par moto. C’est la crise. Les rues sont plus faciles à traverser. Il y a beaucoup moins de voitures qu’auparavant. Ceci est le Naya Nepal, le Nouveau Népal.


Je regarde ces scènes d’un autre monde du pont de Jawalakel. Il n’est pas difficile de s’imaginer ce que seront nos pays dits « développés » dans quelques années. Ce seront les mêmes photos, sauf peut être que ceux qui feront la queue ne seront pas les plus pauvres ou avec les voitures dans le plus mauvais état.


La Mission des U.N. pour le Népal (UNMIN) est partie dans sa grande majorité.
Soixante et onze 4x4 sont à vendre.



Pas de mer.
Je vis dans un pays qui n’a pas de mer. C’est la première fois que je vis une telle situation maintenant que j’y pense. Tous mes voyages ont été baignés d’océan : El Salvador, Equateur… Y a toujours eu des montagnes aussi, donc pas de plat pays. Au Népal, il y a bien des montagnes, mais pas de mer.
Jeudi dernier, je regardais des photos d’une copine en Equateur, sur Internet. Des langoustes grillées, au bord de mer. J’ai salivé. En rentrant chez moi, j’ai acheté une boîte de thon. Je me suis dit que je le méritais.


A la gym (et oui je m’y suis mise pour dépenser ce trop plein d’énergie), j’entends par enchantement « I am from Guatemala. It is in Central America. »
- Hola, qué tal ? Soy Margot. Ça fait combien de temps que tu es au Népal (bordel, ça fait du bien de parler espagnol !)
- Presque 2 ans.
- Comment tu fais sans poisson, fruits de mer et viande ? (Les latinos savent de quoi je parle !)
- On est quelques latinos à travailler ensemble [ndrl : à l’ONU]. On se fait des soirées de ceviche, parrilladas, etc.
- C’est pas vrai ?!
- Oui. Donne moi ton numéro. Je t’appellerai la prochaine fois pour manger avec nous. »

Yessssssss !

Vendredi 1er Août, une éclipse solaire partielle. De 16.22 à 18.13pm. Apogée 17.24pm.
On me prévient 1h avant que le bureau fermera plus tôt exceptionnellement, à 15h. Normal, c’est jour d’éclipse solaire. Première bonne nouvelle de la journée.
Selon les astrologues, cette éclipse n’aura pas d’effets néfastes pour les personnes nées sous le signe du zodiac Taureau, Vierge, Balance et Verseau. Ouf. Deuxième bonne nouvelle de la journée. Je suis Verseau. Par contre pour le reste, les astrologues préviennent que ce serait plus prudent si ils ne regardent pas l’éclipse.
De toute façon, qui l’a vu ?

Eclipse lunaire, le 7 août. Le secrétaire du Comité pour la Fixation du Calendrier Népalais (ndrl : c’est sérieux, ça existe) a exprimé son inquiétude face aux éclipses. C’est de mauvaise augure d’un point de vue religieux avoir deux éclipses le même mois.
Même pour les Verseau ?



Je sais ce que tu veux. Sur le moment, c’est plutôt énervant. Ce sont des conversations sans issue, qui tourne en rond. Les Népalais ont la fâcheuse tendance de décider ce qui est le mieux pour toi. Ici, on n’a pas toujours ce qu’on veut et la qualité première à avoir, c’est de la patience. Voici des retranscriptions de conversations que j’ai eu, à l’identique.

Après m’être perdu pendant 30 minutes dans les rues étriquées et en labyrinthe du centre de Patan (Lalitpur) sous une chaleur humide et au bord de m’évanouir pour cause de énième crise d’hypoglycémie, j’arrive enfin chez ma nouvelle prof de népalais.

Prof de népalais (PN): Qu’est ce que tu veux comme boisson froide ?
Moi : de l’eau, please.
PN : Mais qu’est ce que tu veux comme boisson froide ?
Moi : De l’eau, c’est parfait.
PN : Pepsi, Coke, Fanta, Sprite ?
Moi : de l’eau ça ira très bien.
PN : Tu veux un Coca Cola ?
Moi : Parfait.

----------------------------

C’était vendredi après-midi, l’après-midi de l’éclipse solaire. J’étais chargée de commander un gâteau à la Fuji Bakery près de chez moi pour l’anniversaire d’un ami. « Un gâteau au chocolat » nous avions décidé sur la mailing list « B-Day Mario ». Surtout pas de Forêt noire ! C’est noté.

Moi (M): Namasté. Je voudrais commander un gâteau au chocolat pour demain.
The Baker (B): Qu’est ce que vous voulez ? Une forêt noire ?
M : Non, je voudrais un simple gâteau au chocolat.
B : un brownie ?
M : Non, un gâteau au chocolat simple. C’est pour un anniversaire. Une copine a déjà commandé un gâteau au chocolat ici.
B : Tu ne veux pas une forêt noire ?
M : Non, pas de forêt noire.
B : Pourquoi ? tu n’aimes pas les Forêts Noires ?
M : Non, j’aime pas. J’aime pas les cerises confites.
B : Mais il n’y a pas de cerise dans la forêt noire. [sic]
M : Je voudrais juste un gâteau au chocolat.
B : Et un gâteau aux carottes? au potiron? Au citron ? sinon, je peux faire des pains avec du chocolat. C’est comme ça regarde.
M : je sais, je suis Française. Je veux un gâteau au chocolat.
B : brownie ? forêt noire ?
M : J’aime pas la forêt noire. Le gâteau c’est pour un anniversaire. Un brownie c’est pas vraiment un gâteau d’anniversaire.
B : Je peux faire un brownie rond.
M : Va pour le brownie rond. C’est pour 12 personnes.
B : Je n’ai pas de moule rond aussi grand.
M. Va pour un brownie carré.

Et combien coûte la Forêt Noire ?
B : Ca coûte 900rp. Mais je ne crois pas que je pourrais faire une Forêt noire pour demain. On n’a pas de beurre et ni de chocolat.
(M entre moi et moi : je ne vais pas lui demander comment il compte faire le brownie.)

Une cliente étrangère entre temps était rentrée dans le magasin. Elle s’approche du comptoir où je bavarde avec Monsieur the Baker, elle paye sa confiture, ouvre la porte, me lance un « désolée de vous avoir interrompu, j’ai pensé que vous en aviez pour longtemps. Bonne chance. »
- « Merci »

Le lendemain, je vais chercher mon brownie carré comme gâteau d’anniversaire. En fait c’est un gâteau au chocolat, avec un peu de noix et des écorces d’orange sur le dessus.

Parfois, j’aimerais bien avoir un enregistreur.

Dimanche dernier, j’ai vu une femme en burqa dans Thamel accompagnée de son mari.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup ton article intitulé "je sais ce que tu veux". On dirait ma mère. Elle doit avoir du sang népalais dans les veines.