samedi 13 décembre 2008

Losáko Kinshasa

Kinshasa
5 décembre 2008

Comment commencer cette histoire ?

On va la commencer dans l’avion, au moment où j’ai ouvert mes yeux et j’ai vu une énorme étendue d’arbres et un fleuve, un fleuve immense, si grand que j’ai cru que c’était la mer.
A l’aéroport de Kinshasa, je me sépare de mon ami de voyage, un journaliste du Courrier International, et j’essaye de garder mon calme en attendant que mes valises apparaissent. Au bout d’une heure, ou peut être moins, j’en vois une sous un tas d’autres valises. Enfin une ! l’autre arrive dans un autre camion un peu plus tard. Je ne comprends pas d’où viennent toutes ces valises. Pourtant sur la piste, il n’y a que mon avion.
Un petit bonhomme de peu de mots est venu me chercher à l’aéroport. Il prend mon passeport, je monte dans le minibus et la traversée de la ville commence. En regardant par la fenêtre une impression de déjà-vu, déjà vécu.

Je suis fatiguée par les 14h de voyage, mais enthousiaste. On me dépose à l’hôtel où je m’écroule de sommeil sans dîner.

Mes premiers jours ont été un peu éprouvant et j’ai dû souvent arrêter d’écouter les gens que je rencontrai pour ne pas déprimer dès mon arrivée.
- "Première fois en Afrique? Tu n’as pas choisi le pays le plus simple. Après le Congo, ce sera facile partout!"
- "Tu viens juste d’arriver ? Ca se voit, tu souris encore!"
Voilà les mots de bienvenus que je me suis entendu dire.



J’ai encore du mal à exprimer ce que je ressens dans cette nouvelle vie. Mais je suis face à une expérience à laquelle je n’avais jamais été confrontée : ma peau et ce qu’elle représente marquent la différence. On me regarde avec mépris, on me défit ou on me fait la courbette. Ma peau supporte des siècles de cruauté, d’inégalités abominables, un passé et un présent que je déteste, me répugne. J’observe des choses, des comportements qui me font violence, que je n’ignorai pas mais maintenant je les vis dans ma chair et ils transpercent mes os.



Dans la voiture, tous les jours, la ville me traverse, malgré cette bulle dans laquelle je suis et dont je n’arrive pas encore à me défaire. A cause des distances, de mon isolement, je ne me suis pas encore sentie partie de la ville. De la fenêtre de la voiture, pendant les heures de voyage coincée dans les embouteillages, j’observe.


Il y aurait tant de choses à écrire à propos des rues kinoises…

Le peu de routes et leur état génèrent des embouteillages monstres, malgré qu’il y ait relativement peu de voitures. Pas de motos, ou rares. Hors des axes principaux et carrossables, les rues sont impraticables, et bien souvent fermées par les habitants pour éviter la circulation. Même dans les rues des villas, les riches ne prennent pas la peine d’asphalter les rues boueuses ni de remplir les trous creusés par les pluies torrentielles.


La voiture la plus populaire est de loin la Mercedes. J’ai aperçu une jaguar également un soir qui essayait d’affronter les routes cabossées. J'ai vu des décapotables, une Lincoln, une limousine...
J’ai vu des Mercedes coincées dans des mini lacs au milieu de la route. On ne parle pas toujours de vieilles voitures qui font une deuxième vie en Afrique. Non. Apparemment les Mercedes sont préférées aux 4x4 bien que beaucoup plus adaptées aux conditions extrêmes de ces routes.
Mercedes, signe extérieur de richesse, notoriété ? Peut-être. Je demande à un ami Congolais de m'expliquer ce phénomène que je ne m'explique pas. "Si tu achètes une Mercedes ou une berline de luxe, dans le quartier on parlera de toi et on te reconnaitra."
Si la voiture a été importée, on ne cache pas sa provenance : la plaque d’immatriculation du pays d’origine apparaît sous la plaque locale.


Sur les routes, les fourgons de transport « localisées » font voyager les Kinois à travers l’Europe : « Italienisch eis », « boucherie de Paris, rue de Strasbourg, tel : 01 43 21 05 ... ». Les derniers deux derniers numéros manquent. Désolée, on a préféré découper la carrosserie pour faire une fenêtre pour permettre aux voyageurs de respirer un peu et faire rentrer un peu de lumière.

La vie est chère en RDC. J’étais prévenue avant mon départ. Mais « cher » par rapport quoi? à l’Afrique ? J’ai compris en arrivant. Je ne pensais pas me sentir autant en Europe qu'au Congo quand je sors mon porte-monnaie ! Je ne suis pas dépaysée de ce côté là. Un exemple concret ? Un appartement de deux chambres coûte entre 1500 et 2500 USD, et bien sûr je me fiche un peu des standards européens de confort. Les 3 à 6 mois de garantie qu’il sera difficile de récupérer à cause des « problèmes » de liquidité des propriétaires, un à trois mois de loyer en avance, voir un mois de loyer additionnel pour l’agent immobilier, rendent difficile ma recherche de logement. La nourriture ? venez faire un tour dans le marché ou la paillote d'un quartier populaire.

Je demande à un Congolais qui me conduit chez moi :
- « Mais comment vous faites pour vivre ? Pourquoi les Congolais ne se révoltent pas contre les prix faramineux à l’instar d’autres pays?
- Ici, les gens préfèrent prier beaucoup. » me répond-il sans ironie.

Un collègue, pleins d’ironie par contre, à une autre réponse à ma question: « Les gens se révolteront quand ils augmenteront le prix de la Primus (bière locale). »

Les églises évangéliques et autres poussent comme des champignons. Il y en a une à chaque coin de rue et c’est devenu un vrai business, un peu comme les milliers de commerces inscrits comme ONG de développement pour ne pas payer d’impôts. « En manque d’argent ? vous avez des facultés de leadership, vous avez du charisme et vous pouvez parler en face d’une large audience avide de paroles réconfortantes : ouvrez votre temple ! » Ceci pourrait être une annonce publiée dans les journaux dans la rubrique « offres d’emploi ».
Chaque dimanche, l’église évangélique gospel voisine me réveille. Un homme (c’est toujours un homme) crie dans son micro la bonne parole. Apparemment, dans le quartier ils sont les seuls à ne pas souffrir des coupures d’électricité du dimanche et ils doivent avoir un bon stock de carburant pour le générateur. Remarque, ils pourraient économiser la sono pour les musiciens et la batterie. Je suis sûre que la musique pourrait être audible sans cet attirail. Au moins je peux prendre ma douche en musique puisque chez nous on n’a pas d’électricité.
Ce matin le bonhomme convaincu criait « les congolais ne savent pas réfléchir ! » et derrière, un autre voix traduit en lingala, langue locale parlée à Kinshasa.
Certaines semaines, des séminaires sont organisés dans la soirée, de 17h à 20h.
Besoin d’être désensorcelé ? Besoin d’une dose de catharsis ?

Et moi qui pensais qu’en Amérique latine le niveau de ferveur avait atteint son paroxysme, après l’élimination de la théologie de la libération et la colonisation de l’Opus Dei et des évangélistes !

Un matin, j’arrive au travail un peu plus tôt que d’habitude et avant mes collègues. Je peux donc observer un de mes collègues s’installer en face de son bureau, juste en face du mien. La bible ouverte, il fait sa prière les mains croisées en face de son visage incliné vers le bas, les yeux fermés.

Amen.

mercredi 29 octobre 2008

Prochaine destination: Congo-Kinshasa

Kathmandu, Nepal

Le 17 novembre, je pars en République Démocratique du Congo. Ca va changer d'ambiance!

vendredi 3 octobre 2008

Trek autour des Annaupurnas

Kathmandu, Nepal
3 Octobre 2008

15km par jour en moyenne, entre 5 et 8 heures de marche, de 1000m à 3200m d'altitude...

Je n'arrive pas à trouver les mots justes pour décrire ce que j'ai vécu pendant 7 jours.
Alors je laisse parler les images...

jeudi 4 septembre 2008

« Teej »: à la vie, à la mort

Mardi 2 septembre 2008
Kathmandu, Nepal





Teej est le festival des femmes. C’est un étrange festival. On pourrait croire dans un premier temps que c’est un festival où les femmes sont valorisées et célébrées, que c’est son jour à elles. Il n’en est pas exactement ainsi. En effet, que peut-on attendre d’autre d’une société fortement patriarcale et inégalitaire?




Selon les livres sacrées, la déesse Parbati jeûna et pria avec ferveur pour le grand Lord Shiva pour qu’il devienne son époux. Touché par sa dévotion, il l’a pris pour épouse.
Pour montrer sa gratitude, Prabati envoya son émissaire pour prêcher ce jeûne religieux entre les femmes mortelles, leur promettant prospérité et longévité à leur famille.
C’est ainsi que Teej est né.


Teej dure 3 jours. Pendant ces trois jours, les femmes doivent jeûner et prier pour le bonheur conjugal, la santé de leur époux et des enfants et pour purifier leur corps et âme. Finalement, ce festival est un festival où les femmes se sacrifient (un jour de plus) pour le bonheur des hommes, sauf que les femmes vous diront qu'au moins un jour par an, les hommes s'occupent des enfants et font à manger.

Le rituel est obligatoire pour toutes les femmes hindoues mariées et les jeunes filles ayant atteint la puberté des ethnies Brahmines et Chetri.
Le premier jour du festival s’appelle « Dar Khane Din ». Les femmes, mariées ou non, se réunissent dans leurs plus beaux saris rouges pour danser et chanter des chansons sacrées.
Le deuxième jour, « Puja », les femmes habillées en rouge se rendent dans les temples consacrées à Shiva. La principale activité se déroule à Pashupatinath. Les femmes se rendent au Lingam, le symbole phallique de Shiva, et déposent comme offrandes des fleurs, des fruits, des pièces pour implorer la bénédiction de leurs maris et famille.
Le troisième jour s’appelle Rishi Panchami. Les femmes se baignent dans de la boue rouge ramassée entre les racines de l’arbre sacré Datiwan. Cet acte de purification permet aux femmes d’être lavées de tout pêcher.



Teej est un jour férié. Je suis donc allée à Pashupatinath, habillée en rouge (histoire de faire un peu moins touriste), très tôt le matin pour observer les festivités. Il faisait chaud, déjà à 8h du matin. On sort du taxi et on découvre une file rouge de femmes et de parapluies, peut-être longue d’un kilomètre, pour rentrer dans le temple. De l’autre côté de la colline, on en découvre une autre, aussi longue. On est revenu vers 15h, la queue n’avait pas dégonflé. Je ne sais pas combien de temps elles ont fait la queue sous le soleil plombant, sans avaler une goutte d’eau et sans manger. Une cinquantaine de femmes se sont évanouies à Pashupatinath ce jour-là.


Est-ce que les veuves continuent à célébrer ce festival ?
Certaines femmes étaient déjà bien âgées, et pas toutes ne portaient de sari rouge. Seules les femmes mariées peuvent porter un sari rouge.






La vie. La mort. A Pashupatinath, outre le temple, il y a d'importants bûchers. Ce jour-là, alors que les femmes faisaient la queue pour prier pour la bonne santé de leurs maris, on calcinait des corps. C’est assez étrange cette convivialité entre vie et mort.
J’avais déjà remarqué cela lors de ma première visite à Pashupatinath, mais la peinture que j’observe depuis les marches qui longent la rivière Bagamati, de l’autre côté du temple, confirme qu’il n’y a que dans nos sociétés occidentales où la mort est cachée, aseptisé et n’a pas de liens avec le monde des vivants, sauf avec les « professionnels de la mort ».


Je suis à une place privilégiée pour observer le rituel mortuaire depuis l'autre côté de la rivière.

Le mort est transporté au bord de la rivière pour être lavé des pieds à la tête. Ce sont les fils du défunt qui sont chargés de laver le corps dans la rivière sacrée. Les vêtements rouges du défunt sont jetés dans le courant. Ensuite, le mort est enveloppé dans un drap orange. Il n’y a aucune femme pendant cette « cérémonie ». Je ne les vois nul part, il n’y a que des hommes entourant le cadavre.


Le mort est ensuite transporté vers le bûcher. Les fils changent de vêtements et s’habillent en blanc. On leur rase la tête leur laissant juste une petite mèche au milieu du crâne. On fait faire trois tour au cadavre autour du bûcher avant d’être déposé sur le bois.

Sous les bûchers qui brûlent encore, des hommes, pelle à la main, cherchent des objets de valeurs qui appartenaient aux calcinés et qui seraient tombés.

De temps en temps des explosions provenant des corps en flammes se font entendre et pendant ce temps, les femmes continuent de faire la queue pour la vie.




mardi 19 août 2008

Ma première experience "Hash"

Kathmandu
23 aout 2008



Un peu partout dans le monde, des groupes de Hash House Harriers s’organisent. Ce sont majoritairement des « expats » qui se rencontrent pour sortir de la ville et marcher/courir.

Au Népal, le Himalayan Hash House Harriers est chaque samedi. Le/la coordinateur/trice communique le lieu et heure de RdV à travers du site Internet dédié.

Samedi 17 août, je décide de rejoindre le groupe, pas très loin de KTM, la crise du pétrole dans le pays limitant les longs trajets. Je n’avais rien de spécial à faire à part étudier. C’était une bonne excuse pour m’aérer pour quelques heures. J’ai donc enfilé mes sandales de marche et mis mon K-way dans mon sac à dos.

Le point de RdV pour le Trash 1554 est sur une aire verte à la bordure de KTM, exactement à Losal, Dhumbarahi. Me voilà avec d’autres têtes étrangères venant de tous les pays : Indonésie, Europe, Amériques, mais aussi Népal. On doit être une trentaine, peut être plus. Je me décide de suivre le groupe des « marcheurs ». Je n’aime pas courir car ça ne me permet pas de regarder le paysage.



Et nous voilà en train de croiser rizières, saluant les villageois qui se demandent qui sont tous ces demeurés qui traversent leurs champs.
- "Encore une invention de gringos", ils doivent sûrement penser.
Tout le monde nous regarde. Ils sortent de leurs maisons, ils sortent la tête de la fenêtre ou se regroupent pour nous voir passer. Ca a un côté très comique.

« Namaskar ».


La balade est sympa bien qu’elle n’a rien d’extraordinaire au niveau landscape. Traverser des rizières demande beaucoup de concentration sur les 50 cm de terre sur lesquels on doit marcher. Il est difficile de levée les yeux pour voir aux alentours sans risquer de finir dans le décor. Je l’avoue, j’ai terminé plus d’une fois hors du décor. Je n’ai également pas su sauter une rivière, me retrouvant les pantalons totalement mouillés. Mais j’étais pas la seule, pour une fois, à avoir l’air ridicule!

Après cette gentille marche à suivre des paillettes de papiers, laissées la veille comme Hansel et Grettel, on referme le cercle pour regagner le point de départ.
Une table approvisionnée en chips, gâteaux et salades ainsi que des glacières débordant de bières et de sodas nous attendent.

Et c’est à ce moment là, que je me suis demandé : « Comment je vais m’en sortir ? Merde, la route la plus proche pour trouver un taxi est trop loin. »

Je suis une virgin du Hash donc je suis invitée à aller au centre. La "lovely French girl" doit se présenter avec les autres 4 virgins dont mon ami et voisin, cet "American guy who makes earrings".

L’autre spécificité des Hash est leurs jeux et chanson ridicule, arrosées de bière, se déroulant au milieu des « locaux » qui nous regardent.
Je ne vais pas m'étendre à décrire le fait qu’ils chantent une chanson stupide pendant que tu dois terminer de boire ton verre au milieu du cercle par ce que tu es tombé, ou parce que tu es nouveau, ou whatever. Il y a toujours une bonne raison pour faire boire et te tourner en ridicule.
Je ne vais pas m'étendre non plus à décrire le fait que des femmes soient en short court, voir très court, alors que la culture n’est pas vraiment propice à ce genre d’exhibition.
Je vais m'étendre encore moins sur le fait que ces gens du milieu du développement, dans sa grande majorité, jetaient leurs verres en plastique et leurs mégots par terre. Et que les organisateurs népalais ont du ramasser derrière.

Non, ça ne vaut pas la peine.

(3 jours plus tard, une copine, travaillant dans une grande organisation pour la conservation et l'environnement, m'informe que ses collègues organisent un week-end golf et me demande si ça m'intéresse. Apparemment les contradictions sont choses courantes dans ce cher monde du "développement" et personne n'a peur du ridicule! Lorsque ma copine a fait part de mon observation à ses collègues, ça a fait débat. Tiens donc! Ils iront quand même... )


Par contre le soir, j'ai appris plein de choses sur les avions, assise sur le toit/terrasse de la maison de nos amis pilotes Canadiens, Français et Colombiens.



mercredi 13 août 2008

'Awa Cycle, c'est la fin.


Article de l'IRD: Le kava en thérapeutique moderne et dans les bars de Nouvelle-Calédonie



Chaque mercredi soir, depuis que J. est rentré d'Hawai'i, une drôle de cérémonie a lieu à Kathmandu. Des amis de tous les continents se réunissent pour partager le kava ou 'awa.
Les amis sont invités, et les amis d'amis également. Parfois, ils sont assez nombreux, parfois, ils se retrouvent en petit comité, comme ce soir pour la dernière 'Awa eve.

J. repart à Hawai'i, retrouver les vagues. Il a terminé ses recherches et sa thèse d'éthnologie dans les hauteurs de l'Himalaya.


Ce soir nous sommes peu nombreux. Et tant mieux. Seuls les amis proches sont là.
Cette soirée est sucrée: il n'y a que des gâteaux sur la table.

Les bougies éclairent la pièce. Chez J., il n'y a pas d'électricité le mercredi jusqu'à 22h. C'est son tour d'être dans le noir.

J. met la poudre de la racine dans un sac en tissu qu'il va plonger et replonger dans un bassine d'eau à température ambiante.



On est assis en cercle. Chacun se regarde. J. prend un bol, le remplit du breuvage et donne le bol à quelqu'un dans l'assemblée.


Ca se boit d'un seul coup.

Le goût est difficile à décrire. C'est un peu amer.
Les lèvres s'engourdissent.

Clap! On frappe des mains quand le buveur a terminé. Maintenant, silence. Le buveur va parler. Il peut dire ce qu'il veut.


Quand tout le monde aura été servi tour à tour, il suffit de taper des mains pour avoir un bol plein. Mais là, pas de speech. Les convives reprennent leurs conversations. Ca ressemble maintenant à n'importe quelle réunion d'amis, à la lumière des bougies.

Il paraît que le kava aide à dormir et à se relaxer. Je n'ai jamais bien dormi les fois auparavent, mais après cette soirée c'était différent.
J'aurai voulu que le soleil ne transperce pas mes rideaux à 5.30 du matin.
J'aurai voulu continuer à rêver.





dimanche 3 août 2008

Tapaâlai sanchai chha ? - scènes de la vie quotidienne

Kathmandu, Népal
Dimanche 3 Août


Parlons pétrole. Les queues se sont allongées dans les rues autour des stations essences ces dernières semaines, créant des embouteillages. Les hommes, car se sont à 90% des hommes, attendent regroupés sur les marches des magasins. Ou dans leur voiture. J’en ai vu dormir dedans ou jouer aux cartes à l’intérieur. Voilà comme un pays peut avoir une grande partie de sa population inactive, faisant la queue. La station essence près de chez moi est à 20 min à pied. La queue de motos et de voitures arrive presque jusqu’à chez moi. Au moins 500m de queue, et la queue ne désemplit pas, même de nuit. Les gens laissent leur voiture la nuit pour être sûr d’avoir un peu d’essence le lendemain. Mon voisin me commentait qu’il avait fait 4h de queue pour 3L d’essence. C’est 3L par moto. C’est la crise. Les rues sont plus faciles à traverser. Il y a beaucoup moins de voitures qu’auparavant. Ceci est le Naya Nepal, le Nouveau Népal.


Je regarde ces scènes d’un autre monde du pont de Jawalakel. Il n’est pas difficile de s’imaginer ce que seront nos pays dits « développés » dans quelques années. Ce seront les mêmes photos, sauf peut être que ceux qui feront la queue ne seront pas les plus pauvres ou avec les voitures dans le plus mauvais état.


La Mission des U.N. pour le Népal (UNMIN) est partie dans sa grande majorité.
Soixante et onze 4x4 sont à vendre.



Pas de mer.
Je vis dans un pays qui n’a pas de mer. C’est la première fois que je vis une telle situation maintenant que j’y pense. Tous mes voyages ont été baignés d’océan : El Salvador, Equateur… Y a toujours eu des montagnes aussi, donc pas de plat pays. Au Népal, il y a bien des montagnes, mais pas de mer.
Jeudi dernier, je regardais des photos d’une copine en Equateur, sur Internet. Des langoustes grillées, au bord de mer. J’ai salivé. En rentrant chez moi, j’ai acheté une boîte de thon. Je me suis dit que je le méritais.


A la gym (et oui je m’y suis mise pour dépenser ce trop plein d’énergie), j’entends par enchantement « I am from Guatemala. It is in Central America. »
- Hola, qué tal ? Soy Margot. Ça fait combien de temps que tu es au Népal (bordel, ça fait du bien de parler espagnol !)
- Presque 2 ans.
- Comment tu fais sans poisson, fruits de mer et viande ? (Les latinos savent de quoi je parle !)
- On est quelques latinos à travailler ensemble [ndrl : à l’ONU]. On se fait des soirées de ceviche, parrilladas, etc.
- C’est pas vrai ?!
- Oui. Donne moi ton numéro. Je t’appellerai la prochaine fois pour manger avec nous. »

Yessssssss !

Vendredi 1er Août, une éclipse solaire partielle. De 16.22 à 18.13pm. Apogée 17.24pm.
On me prévient 1h avant que le bureau fermera plus tôt exceptionnellement, à 15h. Normal, c’est jour d’éclipse solaire. Première bonne nouvelle de la journée.
Selon les astrologues, cette éclipse n’aura pas d’effets néfastes pour les personnes nées sous le signe du zodiac Taureau, Vierge, Balance et Verseau. Ouf. Deuxième bonne nouvelle de la journée. Je suis Verseau. Par contre pour le reste, les astrologues préviennent que ce serait plus prudent si ils ne regardent pas l’éclipse.
De toute façon, qui l’a vu ?

Eclipse lunaire, le 7 août. Le secrétaire du Comité pour la Fixation du Calendrier Népalais (ndrl : c’est sérieux, ça existe) a exprimé son inquiétude face aux éclipses. C’est de mauvaise augure d’un point de vue religieux avoir deux éclipses le même mois.
Même pour les Verseau ?



Je sais ce que tu veux. Sur le moment, c’est plutôt énervant. Ce sont des conversations sans issue, qui tourne en rond. Les Népalais ont la fâcheuse tendance de décider ce qui est le mieux pour toi. Ici, on n’a pas toujours ce qu’on veut et la qualité première à avoir, c’est de la patience. Voici des retranscriptions de conversations que j’ai eu, à l’identique.

Après m’être perdu pendant 30 minutes dans les rues étriquées et en labyrinthe du centre de Patan (Lalitpur) sous une chaleur humide et au bord de m’évanouir pour cause de énième crise d’hypoglycémie, j’arrive enfin chez ma nouvelle prof de népalais.

Prof de népalais (PN): Qu’est ce que tu veux comme boisson froide ?
Moi : de l’eau, please.
PN : Mais qu’est ce que tu veux comme boisson froide ?
Moi : De l’eau, c’est parfait.
PN : Pepsi, Coke, Fanta, Sprite ?
Moi : de l’eau ça ira très bien.
PN : Tu veux un Coca Cola ?
Moi : Parfait.

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C’était vendredi après-midi, l’après-midi de l’éclipse solaire. J’étais chargée de commander un gâteau à la Fuji Bakery près de chez moi pour l’anniversaire d’un ami. « Un gâteau au chocolat » nous avions décidé sur la mailing list « B-Day Mario ». Surtout pas de Forêt noire ! C’est noté.

Moi (M): Namasté. Je voudrais commander un gâteau au chocolat pour demain.
The Baker (B): Qu’est ce que vous voulez ? Une forêt noire ?
M : Non, je voudrais un simple gâteau au chocolat.
B : un brownie ?
M : Non, un gâteau au chocolat simple. C’est pour un anniversaire. Une copine a déjà commandé un gâteau au chocolat ici.
B : Tu ne veux pas une forêt noire ?
M : Non, pas de forêt noire.
B : Pourquoi ? tu n’aimes pas les Forêts Noires ?
M : Non, j’aime pas. J’aime pas les cerises confites.
B : Mais il n’y a pas de cerise dans la forêt noire. [sic]
M : Je voudrais juste un gâteau au chocolat.
B : Et un gâteau aux carottes? au potiron? Au citron ? sinon, je peux faire des pains avec du chocolat. C’est comme ça regarde.
M : je sais, je suis Française. Je veux un gâteau au chocolat.
B : brownie ? forêt noire ?
M : J’aime pas la forêt noire. Le gâteau c’est pour un anniversaire. Un brownie c’est pas vraiment un gâteau d’anniversaire.
B : Je peux faire un brownie rond.
M : Va pour le brownie rond. C’est pour 12 personnes.
B : Je n’ai pas de moule rond aussi grand.
M. Va pour un brownie carré.

Et combien coûte la Forêt Noire ?
B : Ca coûte 900rp. Mais je ne crois pas que je pourrais faire une Forêt noire pour demain. On n’a pas de beurre et ni de chocolat.
(M entre moi et moi : je ne vais pas lui demander comment il compte faire le brownie.)

Une cliente étrangère entre temps était rentrée dans le magasin. Elle s’approche du comptoir où je bavarde avec Monsieur the Baker, elle paye sa confiture, ouvre la porte, me lance un « désolée de vous avoir interrompu, j’ai pensé que vous en aviez pour longtemps. Bonne chance. »
- « Merci »

Le lendemain, je vais chercher mon brownie carré comme gâteau d’anniversaire. En fait c’est un gâteau au chocolat, avec un peu de noix et des écorces d’orange sur le dessus.

Parfois, j’aimerais bien avoir un enregistreur.

Dimanche dernier, j’ai vu une femme en burqa dans Thamel accompagnée de son mari.


dimanche 13 juillet 2008

Un mois déjà !

Katmandou, Népal
13 juillet 2008


S’installer.

Buddha à Swayambu

Voici un mois que je suis ici, dans la ville mythique de Katmandou (KTM). En un mois, je me suis installée petit à petit dans cette nouvelle vie et ville. Je me suis appropriée ma nouvelle chambre où je resterai les 4 prochains mois. J’ai accroché des photos sur le mur, une carte du Népal pour savoir et apprendre à situer les lieux, quelques cartes postales pour colorer les murs blancs vieillis. Sur les portes, quelques stickers me rappellent quelques mots de vocabulaire népalais. J’ai rempli mon armoire en bambou de quelques Kurta, tunique colorée, que j’ai fait faire sur mesure chez le tailleur avec des tissus que j’ai glané. En effet, ici c’est presque impossible de trouver des vêtements à ma taille, à ma taille et carrure d’Européenne. Les femmes sont généralement plus petites mais surtout beaucoup plus fines, des épaules plus étroites.

J’ai un grand lit maintenant. J’aime les grands lits car je peux y vivre dessus. Je n’y dors jamais seule : A Thousand Splendid Suns de Khaled Hossini, The Mass Medias in post-1990 Nepal et le Basic course of Spoken Nepali ainsi que plusieurs revues y sont posés. Je peux poser ma tasse de café pendant que j’écris. Je peux m’étendre de travers pour lire le Kathmandu Post, journal népalais en anglais.

Je vis dans la ville de Patan ou Lalitpur, c’est la même chose. C’est une banlieue de KTM. C’est un peu comme Montreuil pour Paris.
Patan, c’est le quartier des IONGs et de UN House. Y a quelques bars/resto pour expats assez « fancy ». On serait en France, on dirait « bobos ». Ça va, je ne suis pas trop dépaysée, sauf qu’au lieu que ce soit le periph’ qui sépare les deux villes, c’est la rivière Bagmati. Par contre, les bars un peu alternat’ sont au nord de KTM, c’est à dire tout à fait à l’opposée, dans un quartier qui s’appelle Lazimpat et où se trouvent la plupart des ambassades. Et puis y a « The » quartier «gringo» par excellence (il y en a toujours un) pour sortir et se restaurer et où se retrouvent les jeunes expatriés, les mélancoliques des années 70’, les gamins des rues, les marchands de tout genre. Bienvenue à Thamel, le paradis du touriste.
Mais la fête ce n’est pas celle de l’Amérique latine : A minuit presque tout est fermé et les gens rentrent chez eux.


Un peu comme le Periph’, la rivière et son pont créent un mur invisible. Patan est toujours considéré comme loin (c’est de l’autre côté de la rivière) et le centre de tout est Thamel et Lazimpat. Mes collocs et moi on est donc toujours en déplacement : les banlieusards vont à Paris sans problème, les Parisiens ont du mal à se rendre en banlieue. Mais KTM n’est pas Paris et n’est surtout pas de la même taille.

Je suis donc souvent dans le taxi :
- Sidha and baya janus. Ruknus. Aller tout doit puis à gauche, svp. C’est ici, merci.
- Koti ho ? C’est combien ?
Si j’ai de la chance, je grimpe sur la moto avec nos voisins.


Ce matin, il pleut. Je crois que c’est la première fois depuis que je suis là que nous avons une matinée de pluie. Parfois, il pleut en début d’après-midi, mais jamais pour très longtemps. Généralement c’est en fin d’après-midi et tout au long de la nuit. Mais cette dernière semaine, il n’a presque pas plus. Les rues habituellement tachetées de flaques d’eau étaient sèches. Il a fait particulièrement chaud et humide, insupportable. On a eu une semaine avec les pieds propres. Incroyable !
Je vais profiter de ce dimanche matin sous la pluie pour écrire les semaines de retard, allongée sur mon lit. J’ai été bien paresseuse ses dernières semaines pour écrire. Je me suis allée à la vie nonchalante de KTM.


Katmandou, la ville, la vie, ses habitants.



En regardant Katmandou des hauteurs de Swayambu, on pourrait presque la confondre avec Quito. Les deux villes en effet ont quelques points en communs. Tout d’abord, il y a les hauteurs. Quito comme KTM se trouvent en altitude, dans une vallée entourée de montagnes. Certes la capitale équatorienne est bordée de montagnes beaucoup plus hautes que l’on aperçoit de n’importe quel point de vue de la ville. Elles permettent aux « Quiteños » de s’orienter. A Katmandou on n’aperçoit les montagnes que si on les cherche et si on est bien situé. La vallée est étendue et la ville s’étend sur toute sa largeur. Quito est beaucoup plus étroite. Swayambu est située sur une colline au milieu de la vallée, on pourrait le comparé au « Panecillo » de Quito.
Cependant, KTM est une ville beaucoup plus vivante. Les samedis et dimanches sont mouvementés et pleins de vie, même le samedi, le dimanche local, puisque ici la semaine commence le dimanche. Le samedi, c’est notre dimanche. Dimanche n’est pas férié. Ici, la semaine travaillée est de 6 jours.



Méandres et trésors cachés. En s’aventurant et en se perdant dans les méandres de la ville, dans ses rues labyrinthes, on découvre des milliers de temples, non classés et non touristiques. Certains sont magnifiques mais salis par les hommes. On découvre des Pokhari , des bassins plus ou moins grands avec un temple ouvert en son centre. Très souvent, on ne voit plus l’eau de ces bassins, car recouvert d’algues épaisses qui retiennent les bouteilles en plastique et autres détritus à la surface (Photo ci-dessous, Pokhari de Patan). En rêvant un peu, le temple au milieu du bassin propre ferait un parfait salon de thé où passer son après-midi en temps de mousson suffocant.

Les rues au quotidien. Les poubelles qui s’entassaient depuis un mois, créant embouteillage et masquant les odeurs d’encens et de curry qui enivrent l’air, ont commencé à disparaître petit à petit, mais pas complètement, depuis deux semaines. Des tracteurs sont venus les ramasser. Les villageois qui accueillent la déchetterie ont accepté de rouvrir la route. Depuis 2 semaines, il n’y a plus de « banda », blocage de routes. Les esprits de contestation, ce besoin de s’exprimer, ce sont apaisés dans la vallée. Maintenant, c’est au tour du Terai, région du sud à la frontière avec l’Inde que les esprits s’échauffent.


Pétrole. Le prix du carburant a énormément augmenté. Un litre du liquide coûte 100 roupies, 1 euro. Il se fait également rare dans les stations services. Pour aller au travail, je passe près d’une station-service. La rue est un gigantesque parking où une file de 150m de motos et leurs conducteurs attendent leur tour d’un côté, et de l’autre les taxis sur une longueur équivalente. Les conducteurs resteront la probablement plusieurs heures à attendre. Les plus riches achètent le carburant au marché noir, encore faut-il avoir ses contacts. Les taxis éteignent le moteur à chaque fois qu’ils s’arrêtent en pensant consommer moins d’essence. Malgré cette pénurie, les 4x4 continuent de pulluler. Ce sont des voitures de l’ONU, de la GTZ, de CARE, Plan, et autres ONGs. Très souvent, il n’y a que les chauffeurs à l’intérieur des 4x4 de l'ONU. On les aperçoit également sillonner la ville le dimanche, alors que le dimanche l’ONU ne travaille pas, suivant la semaine de 5 jours occidentale. L’autre jour, quelqu’un d’une ONG nous a ramené chez nous depuis Thamel dans sa voiture de fonction, qui a des gros stickers au nom de l’ONG sur la capot et les portières. J’avais jamais vu ça avant, le personnel utilisant les véhicules de fonction pour les affaires privées. Quand je demande au gars qui nous ramène s’il pouvait utiliser sa voiture au couleur de son ONG pendant son temps libre, il me répond:
- « Ben, c’est ma voiture de fonction. »
Ok, j’ai plus d’autres questions, c’est clair !

Dans le Nepali Times de vendredi dernier, un lecteur écrit :

«I accept that the United nations is necessary for Nepal’s peace process and development.
But looking at the obscene salaries it pays its staff and the wastage of resources in driving
around in huge gas-guzzling SUVs, one wonders if it couldn’t do more if it spent less on itself.
At a time when the whole world is reeling under a fuel crisis, the UN should set an exemple by
reducing travel, using staff buses, bycicles, electric vehicles for delivery and generally cutting
down on its carbon footprints. » (Nepali Time , 4 juillet 2008)


J’ai eu l’occasion de rentrer dans l’énorme complexe de « UN House », qui se trouve à peu de pâtés de maison de Equal Access, à Patan. Dans le parking, il y a beaucoup de voitures citadines garées, inutilisées qu’on ne voit jamais en ville et à peine quelques 4x4, puisque le reste parcours la ville. Certes, les rues ne sont pas dans le meilleur état qu’il soit, mais ceci ne justifie pas l’utilisation des 4x4. Par ailleurs, une grande partie des rues de la ville ne sont pas plus larges que des chemins.



KTM, une ville en développement. Il reste beaucoup d’espaces « vides », non construits. En attendant, dans ces espaces poussent du riz, du mais, ou bien des herbes folles. Certaines rues sont très étroites et piétons, motos, voitures, vélos et commerçants se les partagent. On imagine mal comment KTM va supporter le "développement", lorsque tout le monde aura une voiture. La ville n’a pas planifié le développement futur - mais déjà relativement présent - de son parc automobile. On ne peut qu’imaginer une ville cyclable, ce qui est déjà pas mal le cas.

Les motos et vélos sont partout. Parfois on se croirait sur une piste de Racing de motos ou au tour de France, mais sans la vitesse. On transporte de tout sur les vélos : foin, nourriture, tissus, tubes, et marchandises et du matériel de construction.
On s’étonne de voir des personnes chargeant de lourdes charges de marchandises à la force de son dos. Les fardeaux sont transportés sur le dos, fagotés par une corde reliée à une lanière tirée sur le front du chargeur. J’ai vu un vieux monsieur chargé un frigidaire, plus grand que son corps sec et menu. Il est étonnant que les animaux ne soient pas utilisés pour le transport de marchandises, comme on le voit en Amérique latine. Il n’y a pas de charrettes, du moins c’est exceptionnel d’en voir, et elles sont tirés par un vélo ou par une partie de tracteur. Pas de chevaux ou d’ânes, ni les buffles, taureaux ou vaches qui se promènent librement dans les rues ne sont mis à contribution.

Le trafic peut être horrible, bien que ce n’est pas encore comparable aux embouteillages parisiens. Très peu de signalisation, des sens interdits connus seulement des conducteurs, des agents de la circulation, très souvent impuissants et passifs, regardent béats les bus et les taxis chevaucher les lignes imaginaires des rues et s’arrêtant où bon leur semble, créant une ville chaotique mais qui cependant marche. Je n’ai pas encore vu un seul incident depuis que je suis là, ce qui semble extraordinaire par la manière dont les gens conduisent, par le « manque » de règles.
Il m’est arrivé de voir une voiture percutée un moine Bouddhiste sur un vélo. Celui-ci est tombé et s’est relevé continuant son chemin. Je n’ai pas vu non plus aucun piéton heurté, bien que les voitures passent souvent à quelques millimètres de ceux-ci. On m’a dit que des accidents arrivent, qu’un bus renverse un piéton. Dans ce cas, la foule se jette sur le piéton pour le dégagé de la route et le protéger car un piéton renversé coûte cher au fautif. Il vaut mieux le tuer car le fautif devra payer toutes les dépenses hospitalières liées à l’accident jusqu’à la fin de sa vie. Il est donc plus économique de repasser sur le corps blessé pour s’assurer qu’il sera bien mort. Alors, le fautif ne paiera qu’un dédommagement à la famille du défunt, beaucoup moins cher que les dépenses hospitalières à vie.

"Bus torched after driver tries to kill biker"
Kathmandu, Aug 5 - Enraged locals and passengers Tuesday morning
torched a public vehicle at
Bijulibazaar, accusing the bus driver of attempting
to run over a biker by reversing his vehicle.

The incident occurred when a public bus heading toward old bus park from
Bhaktapur
rammed into a motocycle heading in the same direction,
injuring the bike rider.

Eyewitnesses claimed that soon after hitting the two-wheeler, the driver
attempted
to run over him by reversing the vehicle.
The fire set by irate locals has completely damaged the vehicle (...)
Traffic police said such kinds of incidents occur due to weak law enforcement.
(The Kathmandu Post, Wed. 6 August 2008)


Ses gens. Les rues sont très colorées par les vêtements des femmes. Des kurtas et des saris de couleurs brillantes se promènent dans les rues. Il est drôle de savoir que la pudeur locale demande à ce que les épaules des femmes doivent toujours être couvertes, alors que les saris laissent entrevoir dos et estomacs. Contrairement à l’Amérique latine, on voit que très peu de femmes enceintes ou chargeant des bébés. Peut-être que c’est parce que les femmes sont souvent recluses chez elles, disons pour être précis dans la maison de la famille de son mari, ou bien c’est parce que les larges kurtas et pantalons bouffants et saris cachent les grosseurs, que ces femmes enceintes sont « invisibles », car la population népalaises augmentent rapidement. Le secrétaire du ministère de la Santé et de la Population vient d’annoncer que si rien n’est fait, en 31 ans la population du Népal aura doublé, soit 56 millions de personnes, si on ne ramène pas le niveau de fécondité à 2,1 (au lieu de 4.1 actuellement).


Il reste encore difficile pour moi de définir et de décrire cette ville. Certains regrettent son « développement », souvent des nostalgiques des années 70’, d’autres l’adorent. Je ne me situe ni d’un côté ni de l’autre. Par contre, je ne dirai pas qu’elle est insupportable. Je peux affirmer que La Paz, Bolivie, est insupportable mais pas KTM. Ce que je peux dire c’est que c’est une ville qui se laisse vivre. Il faut juste apprendre à faire avec. Apprendre à traverser la rue, se laisser stalomé par les motos et les vélos, en gardant toujours un pas régulier, car c’est les motos et vélos qui te contourneront et pas le contraire. C’est comme les vaches : ce sont les véhicules qui les éviteront et pas le contraire. On ne dérange pas une vache qui se repose au milieu de la route. D’ailleurs, la circulation ne dérange pas les vaches, et elles ne sont pas inquiétées par les klaxons et les voitures roulants à quelques centimètres.

Les autres. Je crois que je ne peux parler de KTM sans mentionner d’autres habitants qui l’habitent. Les chiens et les corbeaux, les « house crows » (je connais leur nom car j’ai acheté le livre des oiseaux du Népal). Il y a beaucoup de chiens à KTM. Ils dorment toute la journée jusqu’à 18h. A 18h, ils étirent leurs pattes et se réveillent doucement. A 21h, c’est la fête.
Quant aux corbeaux, ils se réunissent au moment où l’air commence à se rafraîchir vers 18h. Des hordes de corbeaux se regroupent dans les arbres immenses en croassant. A ce moment précis, on se croirait dans un film d’Hitchcock.
Maudits corbeaux et autres oiseaux qui me réveillent chaque matin à 5h du mat !
Les singes, c'est une autre histoire.

Nouveaux Voisins. Depuis maintenant au moins deux semaines, nous avons de nouveaux voisins, une dizaine. Des travailleurs du Terai, région sud du Népal, à la frontière avec l’Inde. Ils sont là pour refaire la route de notre quartier. Toute la journée ils remplissent les trous avec des cailloux. Il y a parmi eux des gamins. Maintenant, ils sont dans la phase «goudronnage». Chaque matin juste derrière l’école, ils font un feu sur lequel ils mettent des bidons en fer découpé et dans lesquels ils font fondre le goudron. Une énorme fumée noire et toxique s’échappent. Aucun ne porte un masque. Le soir, ils viennent dormir en face de chez nous dans une maison qui n’a jamais été terminée : il y a que le sol et le toit du premier étage. Quand je rentre, il y a toujours le plus jeune (une dizaine d’années, pas plus) qui prépare un feu pour cuisiner pour les autres.
- "Namasté", bonjour.
Ca doit être une famille entière. Le soir et le matin au réveil, ils chantent, réveillant Natalie qui a sa fenêtre donnant du côté de la rue.



Premiers pas, premières excursions.

Détails des portes et fenêtres d'un temple bouddhiste à Bodhnath


Deux semaines après mon arrivée, je me décide enfin à faire la vraie touriste. Fini les petites promenades aux alentours de la maison ! Ma nouvelle résolution est de visiter un endroit chaque week end. Ce n’est pas parce que je ne suis plus en Amérique latine que je vais perdre mes bonnes habitudes ! Les 2 premières semaines, je les ai consacrées à m’installer au sens large du terme, c’est-à-dire à faire connaissance avec la ville, apprendre où se trouvent les choses dont je pourrais avoir besoin pour la vie quotidienne (supermarché, rue des appareils photos, tailleurs, salon de beauté, librairie, bibliothèque sur les médias, etc.)
J’ai donc fait la touriste. J’ai parcouru pas mal de rues. J’ai visité Patan Durbar Square qui se trouve à 10 min de marche de la maison et Kathmandu Durbar Square. Et puis dans les alentours de Katmandou (KTM), je me suis aventurée dans le temple de Swayambunath perchée sur une colline à l’ouest de KTM, les bûchers de crémation de Pashupatinath, ville de pèlerinage baignée par Bagmati, rivière sacrée et polluée, et Bodhnath, sanctuaire bouddhiste peuplé par de nombreux Tibétains ayant fui l’invasion chinoise. Et puis, le Parc National de Shivapuri et ses couvents bouddhistes.

Tree temple - Kathmandu Durbar Square

KTM Durbar Square. Pas très loin. Me voilà lancée dans KTM. Je ne comprends toujours pas comment marche les bus, alors je paresse en levant la main pour prendre un taxi. Direction Durbar Square avec Tom, un de nos voisins, un Américain fraîchement descendu de l’avion. C’est samedi, jour férié.
Il n’y a pas beaucoup de monde et nous devons être quasi les seuls touristes (la saison touristique est terminée). D’ailleurs, on nous remarque et on essaye de nous vendre un jeu d’échec en bois de santal.
- Malai chhaidaina, j’en n’ai pas besoin.

En découvrant les temples, qu’ils soient bouddhistes ou hindous, on ne peut que s’émerveiller devant les peintures et les coloris des statues et les peintures des bordures des fenêtres et portes. Et puis, le travail du bois. Comment ces murs en bois ont pu résister tant d’années aux pigeons, à la pluie, au chaud, au froid et aux hommes ? Il est impensable en effet, qu’il y ait un travail de préservation pour le moment, même si la plupart de ces temples sont classés par l’UNESCO comme patrimoine mondial de l’humanité.
Les cloches tintent de partout et l’air est chargé d’encens. Les « holy men », personnages gris, sont perchés sur les gradins des temples, la tête légèrement en arrière dû au poids de leurs dreadlocks.

Détails d'une entrée de temple à KTM Durbar Square

On se met à marcher vers la colline de Swayambu, ou « temple des singes », après 45 minutes de marche à travers la ville et un quartier Dahit (les intouchables). Enfin un peu d’ombre et d’air frais ! On monte les marches. Un gamin commence à nous parler, nous demander d’où on vient, etc. Il parle très bien anglais, sûrement mieux que moi. On découvre qu’il veut nous guider. « Non merci ».
Du sommet, on arrive à voir une grande partie de la Vallée.
Il y a pas mal de gens au sommet. Ce sont vraiment des lieux sacrés vivants. On y mange, on joue aux cartes, on fait une sieste…

Stupa de Bodhnath


Bodhnath. Le lendemain, l’anniversaire du Dallai Lama nous fait aller à Bodhnath, quartier tibétain où se trouve la plus grand stupa du pays. Il fait chaud, extrêmement chaud. Pourtant on y est allé tôt, à 9h, après un bon petit-déjeuner chez Mike’s Breakfast. Je suis maintenant avec Brian, doctorant en ethnologie de l’Université d’Hawaii, et Mario, un Californien toujours à vélo. Finalement on est déçu, on pensait voir plus de festivité. Peut-être que c’était plus folklo l’après-midi. Je remarque les vêtements différents portés par les Tibétaines : pas de saris, ni de kurta, mais une jupe longue et un tablier rayé.
Après plusieurs limonades fraîches et une balade dans les ruelles, Mario nous laisse et Brian et moi décidons d’aller découvrir Pashupatinath, à pied bien sûr ! 45 minutes de marche à la limite de la ville, entre maisons d’un côté et rizière de l’autre.

Vue de Pashupatinath

Pashupatinath est une ville de pèlerinage hindou surtout connu pour ses bûchers. Pour y arriver, on traverse un bout de forêt. Il y a une quantité de singes, certains semblent agressifs. On m’a dit qu’il faut faire attention aux singes, ils mordent, griffent et attaquent si on a un peu de nourriture dans les mains. Ce n’est pas un truc de touristes peureux, non, non, même les Népalais les évitent et les surveillent du coin de l’œil. On les craint autant que les chiens.
La rivière Bagmati se trouve en contre bas. Les bûchers sont sur la rive. On aperçoit les fumées s’élever. Des corps attendent leur tour, enveloppés de tissus jaunes. Des hommes s’attèlent à faire vivre le feu, à retourner les corps. Les cendres seront jetées dans la rivière sacrée pour le dernier voyage. On reste sur le pont, observant ce drôle de remue-ménage. Les gamins utilisent la berge pour plonger dans la rivière.
C’est incroyable comme la vie et la mort cohabite dans un même endroit.


Moine bouddhiste sur la Stupa de Bodhnath

Aujourd’hui il doit faire 35°C et 90% d’humidité. On sort en passant devant la maison de retraite pour pauvres, juste derrière les bûchers.

Un peu plus loin de KTM....


Buddha Nilkhanta et Shivapuri. J’ai besoin de voir du vert, des arbres, de marcher, tant pis s’il faut que j’y aille seule. Et ben non, Nicole (ma coloc), Tom et Brian sont de la partie. On va au Parc National de Shivapuri. Et cette fois-ci, voyage 100% en bus. Yeah !
On commence notre marche à Buddha Nilkhanta, village connu pour sa Shiva couchée sur un tapis de serpents. C’est samedi, il y a beaucoup de gens faisant la queue, pieds nus, pour offrir à Shiva, fleurs, fruits et argent. Un homme se charge de mettre un peu d’ordre dans tout ça. J’ai envie de prendre en photo les centaines de chaussures à l’entrée de Shiva, mais je n’ose pas.



Ce matin, je me suis bien préparée pour cette marche en forêt tropicale: chaussures de trek, pantalon long en coton avec de la corde en bas pour éviter l’ascension des sangsues, casquette, et lunette de soleil. On monte, on monte. On se dit qu’on pourrait aller jusqu’au sommet de Shivapuri, on est dans les temps. L’humidité ambiante fait monter le thermomètre.

Après plusieurs marches, on arrive à un monastère Bouddhiste. On nous salue. On demande si il y a à manger, il est 11h30. Les moines et les sœurs viennent de finir de manger, mais il reste à manger et c’est encore chaud. On se lave les mains, et on se sert dans les grandes casseroles du riz, des légumes, du poulet au gingembre, et du Dhal (lentilles). On s’assoit sur les bancs face à face. C’est rigolo, apparemment les moines ne mangent pas l’un en face de l’autre mais l’un à coté de l’autre. On s’arme de notre main droite et on plonge les doigts dans les assiettes. On se ressert même. C’est bon ! je n’ai jamais mangé des carottes aussi bonnes.
- Koti ho ? C’est combien ?
Ce qu’on veut.



A 13h commence une cérémonie. Je n’ai pas très bien compris pour quelle occasion. Je crois que c’est le jour où Bouddha est arrivé au Népal, un truc dans le genre. On assiste à la cérémonie, assis par terre dans un coin. Les moines et les sœurs se laissent photographier sans problème. Les chants répétitifs (très beau) et les tambours sont entraînants. On distribue du thé, des pommes, des gâteaux. On nous en propose.



On décide de continuer notre marche vers le sommet. Quelque chose est en train de me piquer sous mon pantalon. Je suis devenue parano depuis la dernière fois, alors je vérifie ce que j’ai : merde une sangsue !
Pourquoi moi ? Je suis en chaussure montante et Nicole est en tong, bordel !
Mais qu’est ce que c’est moche une sangsue et quelle idée de se déplacer de cette façon ! Ça ne pourrait pas se déplacer comme tous les vers ?

Il fait trop chaud et il va commencer à pleuvoir. On décide de redescendre boire une bière fraîche. Nicole nous devance car elle a quelque chose à faire. Nous trois, on descend tranquillement. Au village on trouve un endroit où se poser.
- "Dui tisso beer, please". Deux bières fraîches, s’il vous plaît.
La dame pose les 2 grandes bouteilles et 2 verres sur la table, un en face de Brian et un autre en face de Tom. Je suis sans verre.
- "Un autre verre, s’il vous plait. "
La dame pose le troisième verre en face de Tom. Les femmes ne boivent pas. Désolée, je crois que je vais même fumer. Na ! Discrètement bien sûr…

Dans le bus, sur le chemin du retour, un vieux monsieur content de pouvoir parler politique en anglais nous tape la discute, enfin pas à « nous » mais à eux, les hommes qui m'accompagnent, Brian et Tom. La seule fois qu’il me parle c’est pour me demander :
- "Comment va Sarkozy ? "
Finalement, il peut continuer à parler politique qu’avec les Américains, ça ne me dérange plus.
Je préfère regarder par la fenêtre et laisser les hommes parler entre eux.