jeudi 4 septembre 2008

« Teej »: à la vie, à la mort

Mardi 2 septembre 2008
Kathmandu, Nepal





Teej est le festival des femmes. C’est un étrange festival. On pourrait croire dans un premier temps que c’est un festival où les femmes sont valorisées et célébrées, que c’est son jour à elles. Il n’en est pas exactement ainsi. En effet, que peut-on attendre d’autre d’une société fortement patriarcale et inégalitaire?




Selon les livres sacrées, la déesse Parbati jeûna et pria avec ferveur pour le grand Lord Shiva pour qu’il devienne son époux. Touché par sa dévotion, il l’a pris pour épouse.
Pour montrer sa gratitude, Prabati envoya son émissaire pour prêcher ce jeûne religieux entre les femmes mortelles, leur promettant prospérité et longévité à leur famille.
C’est ainsi que Teej est né.


Teej dure 3 jours. Pendant ces trois jours, les femmes doivent jeûner et prier pour le bonheur conjugal, la santé de leur époux et des enfants et pour purifier leur corps et âme. Finalement, ce festival est un festival où les femmes se sacrifient (un jour de plus) pour le bonheur des hommes, sauf que les femmes vous diront qu'au moins un jour par an, les hommes s'occupent des enfants et font à manger.

Le rituel est obligatoire pour toutes les femmes hindoues mariées et les jeunes filles ayant atteint la puberté des ethnies Brahmines et Chetri.
Le premier jour du festival s’appelle « Dar Khane Din ». Les femmes, mariées ou non, se réunissent dans leurs plus beaux saris rouges pour danser et chanter des chansons sacrées.
Le deuxième jour, « Puja », les femmes habillées en rouge se rendent dans les temples consacrées à Shiva. La principale activité se déroule à Pashupatinath. Les femmes se rendent au Lingam, le symbole phallique de Shiva, et déposent comme offrandes des fleurs, des fruits, des pièces pour implorer la bénédiction de leurs maris et famille.
Le troisième jour s’appelle Rishi Panchami. Les femmes se baignent dans de la boue rouge ramassée entre les racines de l’arbre sacré Datiwan. Cet acte de purification permet aux femmes d’être lavées de tout pêcher.



Teej est un jour férié. Je suis donc allée à Pashupatinath, habillée en rouge (histoire de faire un peu moins touriste), très tôt le matin pour observer les festivités. Il faisait chaud, déjà à 8h du matin. On sort du taxi et on découvre une file rouge de femmes et de parapluies, peut-être longue d’un kilomètre, pour rentrer dans le temple. De l’autre côté de la colline, on en découvre une autre, aussi longue. On est revenu vers 15h, la queue n’avait pas dégonflé. Je ne sais pas combien de temps elles ont fait la queue sous le soleil plombant, sans avaler une goutte d’eau et sans manger. Une cinquantaine de femmes se sont évanouies à Pashupatinath ce jour-là.


Est-ce que les veuves continuent à célébrer ce festival ?
Certaines femmes étaient déjà bien âgées, et pas toutes ne portaient de sari rouge. Seules les femmes mariées peuvent porter un sari rouge.






La vie. La mort. A Pashupatinath, outre le temple, il y a d'importants bûchers. Ce jour-là, alors que les femmes faisaient la queue pour prier pour la bonne santé de leurs maris, on calcinait des corps. C’est assez étrange cette convivialité entre vie et mort.
J’avais déjà remarqué cela lors de ma première visite à Pashupatinath, mais la peinture que j’observe depuis les marches qui longent la rivière Bagamati, de l’autre côté du temple, confirme qu’il n’y a que dans nos sociétés occidentales où la mort est cachée, aseptisé et n’a pas de liens avec le monde des vivants, sauf avec les « professionnels de la mort ».


Je suis à une place privilégiée pour observer le rituel mortuaire depuis l'autre côté de la rivière.

Le mort est transporté au bord de la rivière pour être lavé des pieds à la tête. Ce sont les fils du défunt qui sont chargés de laver le corps dans la rivière sacrée. Les vêtements rouges du défunt sont jetés dans le courant. Ensuite, le mort est enveloppé dans un drap orange. Il n’y a aucune femme pendant cette « cérémonie ». Je ne les vois nul part, il n’y a que des hommes entourant le cadavre.


Le mort est ensuite transporté vers le bûcher. Les fils changent de vêtements et s’habillent en blanc. On leur rase la tête leur laissant juste une petite mèche au milieu du crâne. On fait faire trois tour au cadavre autour du bûcher avant d’être déposé sur le bois.

Sous les bûchers qui brûlent encore, des hommes, pelle à la main, cherchent des objets de valeurs qui appartenaient aux calcinés et qui seraient tombés.

De temps en temps des explosions provenant des corps en flammes se font entendre et pendant ce temps, les femmes continuent de faire la queue pour la vie.