Février 2009
Je n’étais pas sûre d’y arriver. L’avion a du faire demi-tour après 30 minutes de vol à cause d’un problème technique. Après une heure d’attente à la case départ (aéroport de Kinshasa), à tourner en rond dans l’incertitude, on nous dit que l’on pourra embarquer sur un autre avion, plus petit. En une heure, le stress avait remplacé la joie qui entourait le départ: nous avions peur que le vol serait tout simplement annulé.
On atterrit à Entebbe à 20h du soir, l’avion étant plus petit nous avons mis plus du double du temps pour arriver et avons été secoué comme jamais peu avant de survoler Kisangani.
Après les formalités douanières dans un aéroport vide et moderne, je respire un autre air. L’air est frais. Il n’est pas chargé de cette pesanteur et agressivité qui règne à Kinshasa. Personne à l’aéroport ne nous a regardé avec haine ni n’a essayé de nous soutirer quelques dollars. Nos amis viennent nous chercher. On s’entasse dans la voiture. Deuxième surprise : il existe des routes non détruites en Afrique !
Ça fait du bien de découvrir une autre Afrique. Tout n’est pas comme Kinshasa ! Je suis soulagée. Kinshasa est la seule ville de l’Afrique que je connais et je commençais à désespérer en m’imaginant que ce grand continent pouvait ressembler partout à Kinshasa.
Cette courte expérience en Ouganda m’a redonné de l’espoir. Elle m’a aussi permis de comprendre comment mes amis pouvaient aimer vivre dans certains pays de ce continent. Précédemment, il m’était difficile de les imaginer en moto sur les routes de Bamako, voyageant en taxi à Abidjan, être libre, …
Ce voyage m’a également permis d’avoir une courte réflexion sur les différentes « colonisations ». Je me suis rappelé mes lectures durant mes études sur l’Etat importé, l’occidentalisation de l’ordre politique de Bertrand Badie. L’Ouganda, colonisée par les Britanniques avec un système politique décentralisé, a été moins néfaste que celui de la Belgique. Je suis maintenant curieuse de découvrir un pays anciennement colonisé par la France et son Etat méga centralisé.
Pendant ce séjour, mes amis et moi nous n’avons pas arrêté de comparer certains aspects de l’Ouganda avec la RDC. Cet exercice a été une torture pour moi : plus ça allait et plus je redoutais le retour à Kinshasa. Je me suis donc vite obligée à stopper cette torture. Mais il était impossible de ne pas remarquer la différence de la qualité de vie entre les deux pays. Au supermarché du coin, j’achète ce que je ne trouve pas à Kinshasa : des pinces à linge, 2kg de café de très bonne qualité à un prix raisonnable, et une réserve de briquets qui marchent.
Je me désintoxique petit à petit, après trois mois de Kinshasa dans les veines. Je réapprends à me sentir libre.
Je marche dans les rues d’Entebbe et de Kampala sans peur après avoir balayé les craintes kinnoises qui me collaient à la peau. Curieusement, je me sens comme je me sentais en Amérique du sud : des bus urbains et interrégionaux qui fonctionnent dans le même chaos latino américain, des motos-taxi partout…
Dans les rues de Kampala et d’Entebbe, les berlines et les 4x4, presque exclusivement des Toyota, ont remplacé les Mercedes kinoises qui s’engouffrent dans les trous et lacs qui font partis de la décoration urbaine.
Depuis que je suis arrivée, je dors comme si je n’avais pas dormi depuis 3 mois. Je récupère de la grosse fatigue laissée par la malaria, mais surtout par les effets néfastes des médicaments. Le stress retombe également.
Vers Fort Portal
Sur un coup de tête, nous décidons d’aller à Fort Portal pour compenser le fait que l’on a pas pu aller au Parc National de Murchison Falls. On quitte notre hostal de backpackers de Kampala. On ne sait pas très bien s’il y a des bus, à quelle heure et d’où ils partent, mais on y va. Ici, c’est le pays du possible. On s’arrête au bord de la route où se trouvent d’autres personnes en train d’attendre. À la différence de Kinshasa, ici personne ne court vers le bus, ni se chamaille pour prendre les places précieuses : il y a des bus qui passent toutes les minutes. Nous demandons quel bus nous devons prendre pour aller au terminal de bus inter régionaux. On nous explique comment déchiffrer les signes codés des mains des assistants de chauffeurs pour informer les passagers dans quelle direction ils vont.
On trouve le bus qui part à Fort Portal. Le bus part dès qu’il se remplit. Nous sommes les seuls Muzungu (« Blancs » en swahili) dans le bus ; les gens nous regardent avec curiosité, mais bizarrement je ne me sens pas étrangère.
Pendant l'attente, j'aperçois un grand panneau "3ème jour de prière annuel national-Thème: vous transformez de rechercheur d'emploi à créateur d'emploi".
Un petit bout de femme s’assoit à côté de moi au fond du bus. Anna a 16 ans, mais elle fait physiquement beaucoup plus jeune. Elle est curieuse et intelligente. C’est la seule fille de 9 enfants. Elle se rend à Fort Portal où vit sa mère : l’école a repris. Elle a les cheveux très courts, au naturel, comme la plupart des Ougandaises. Elle nous demande d’où est ce qu’on vient. De France ? d’Allemagne ?
Je lui dit que mon père est italien et ma mère française, donc je suis les deux. Elle me répond : « Ici, on est d’où le père vient, donc tu es italienne. » Elle nous montre ses cahiers d’école de ses cours d’histoire : « L’implication de l’Afrique de l’Est dans la 1ère et 2ème Guerre Mondiale ». Je feuillette ses cahiers et j’essaye de déchiffrer son écriture. Je ne connaissais pas cette partie de notre histoire.
Elle a choisi comme option Littérature plutôt que le français. Elle voudrait devenir écrivain, mais sa mère veut qu’elle devienne médecin. Mais elle ne sait pas si elle pourra aller à l’université car les droits d’entrée sont chers. C’est un Anglais, qu’elle ne connaît pas, qui lui paye les droits d’inscription au collège. Elle semble très intéressée par l’Allemagne et par mon compagnon de voyage, un Allemand. Elle veut voir les photos de notre voyage. Mon ami lui passe sa caméra : il y a aussi des photos de l’Europe. Elle nous trouve courageux de vivre loin de notre famille et amis pour aider les autres. Je lui réponds : « On essaye d’aider les autres, on n’y arrive pas tout le temps, mais on fait de notre mieux. Le principal c’est toujours de faire de son mieux, quoi qu’il arrive et même si on n’y arrive pas, pour ne pas regretter. »
Nous voyons défilés le paysage par la fenêtre, le long de cette route en ligne droite: forêts de toutes sortes, champs de thé à perte de vue … Partout la terre est cultivée.
On échange nos emails avec Anna. Elle descend du bus et nous, on continue jusqu’au terminal. Le voyage a été rapide : 4h30 pour faire 350km.
On demande comment aller au lac. On marche jusque la station de taxis collectifs. On met nos sacs à dos dans le coffre. On s’assoit derrière. 1, 2, 3, 4 personnes devant, 1, 2, 3, 4 personnes et demi à l’arrière. Un des passagers partage le siège du chauffeur. «Mais comment fait-il pour changer les vitesses ? Mais il arrive à mettre les pieds sur les pédales ? Cette carcasse surchargée arrivera-t-elle à destination ? » Ces situations me font rire.
Sur le chemin de terre rouge le chauffeur conduit doucement. Il s’arrête en cours de route pour prendre un autre passager malgré les protestations des autres passagers : il n’y a pas de place ! Finalement, une dame va s’asseoir sur les genoux du nouvel arrivant. La jeune femme avec son bébé à côté de moi semble ennuyée. Nous sommes maintenant 9 et demi dans la voiture 5 places : 4 à l’avant et 5 et demi à l’arrière. Le nouveau passager commence à gigoter. Il parle dans sa langue. Je comprends les mots « telephone number », « sim card » : il cherche son portable. La voiture s’arrête. Il descend, fait bouger tout le monde. Je découvre un autre bébé qui voyage à bord avec nous. Nous sommes donc officiellement 10 personnes dans la voiture. Le monsieur nous regarde et nous confirme en anglais qu’il ne trouve pas son portable. Nous sommes trop loin pour faire demi-tour. La voiture redémarre. La femme avec le bébé descend un peu plus loin sur un croisement où il y a des gens qui l’attendent. Pendant ce court arrêt, quelqu’un essaye de nous vendre un calendrier 2009 d’Obama.
Après 45 minutes de voyage, on arrive à notre destination : le Enfuzi Community Camp site, perché en haut du lac Nkuruba, situé dans le cratère d’un ancien volcan. Le soir, il fait frais et c’est presque agréable de dormir sous une couverture.
Le lendemain on décide de faire une longue marche de 4 heures sous le soleil (il n'y a presque pas d'ombre, les arbres ont été coupés) pour rejoindre la cascade Mahoma. Après un petit-déjeuner copieux, on entreprend notre marche vers 7h30 du matin, à la même heure que les écoliers. Ils nous rejoignent vite : «Muzungu, how are you ? » Cette chanson va nous suivre pendant presque tout notre chemin, comme un refrain. Nous sommes l’attraction des enfants mais pas seulement. Les enfants s’arrêtent de pleurer pour nous chanter « Muzungu how are you ? » Les travaux dans les champs s’arrêtent à notre passage « Muzungu how are you ? » Il n’y a aucune haine ni méchanceté dans leurs yeux, mais plutôt de la curiosité.
Les quelques enfants qui nous ont rejoint sont habillés en rose pour les filles et bleu pour les garçons. Parfois, les grands frères portent les chemises roses des sœurs, mais ne portent pas de jupe, sinon un short bleu. Certains sont pieds nus, d’autres ont des sandales. Les enfants courent pour faire un bout de chemin avec nous et nous parler. Des enfants, allant dans le sens contraire vers une autre école, viennent nous toucher la main et partent en riant. Tout d’un coup je me retourne et ce n’est plus 3-4 enfants qui nous suivent mais une école entière ! Ils se sont tous empressés pour marcher avec nous et nous observer, j’imagine.
On traverse des villages. Je suis impressionnée par les maisons en paille et terre, soigneusement entretenues et balayées. Des maisons en construction nous permettent d’apprécier la technique de fabrication.
Le soir, je mange du Matoke, sorte de pâte de banane verte, avec une sauce de ground nuts, histoire de reprendre des forces.
De retour à Entebbe, nous nous arrêtons sur une plage du Lac Victoria. Il me fait penser au Lac Titikaka, avec cette étendu à perte de vu. Le lendemain, on enjambe des moto-taxis et on y retourne pour y passer notre dernière journée. Sur la moto, je ressens les mêmes sensations qu’à Kathmandu et je me rappelle avec nostalgie mes escapades avec N. à Hetauda.
J’installe ma serviette sur le sable au soleil et je me mets à dévorer le livre qui m’a accompagné tout le long du voyage, Danse du Léopard de Liève Joris, pendant que le clapotis des vagues me berce. Dans son livre, Joris raconte son voyage dans le Congo lors de la chute de Mobutu et la prise du pouvoir par Kabila. Je tourne la dernière page du livre. Le retour à Kinshasa m’effraie. L’angoisse me revient à l’idée que le lendemain je perdrai ma liberté. Comment je trouverai Kinshasa ? Y aura-t-il des attaques des rebelles ? C’est la guerre là-bas, comme décrit dans les dernières pages du livre ? J’ai tellement été immergée dans le livre que je ne me souviens plus comment était Kinshasa lorsque je suis partie, il y a une semaine. J’ai le ventre noué et la gorge serrée ne sachant plus à quoi m’attendre lors de l’atterrissage.
Je ferme le livre.
Je n’étais pas sûre d’y arriver. L’avion a du faire demi-tour après 30 minutes de vol à cause d’un problème technique. Après une heure d’attente à la case départ (aéroport de Kinshasa), à tourner en rond dans l’incertitude, on nous dit que l’on pourra embarquer sur un autre avion, plus petit. En une heure, le stress avait remplacé la joie qui entourait le départ: nous avions peur que le vol serait tout simplement annulé.
On atterrit à Entebbe à 20h du soir, l’avion étant plus petit nous avons mis plus du double du temps pour arriver et avons été secoué comme jamais peu avant de survoler Kisangani.
Après les formalités douanières dans un aéroport vide et moderne, je respire un autre air. L’air est frais. Il n’est pas chargé de cette pesanteur et agressivité qui règne à Kinshasa. Personne à l’aéroport ne nous a regardé avec haine ni n’a essayé de nous soutirer quelques dollars. Nos amis viennent nous chercher. On s’entasse dans la voiture. Deuxième surprise : il existe des routes non détruites en Afrique !
Ça fait du bien de découvrir une autre Afrique. Tout n’est pas comme Kinshasa ! Je suis soulagée. Kinshasa est la seule ville de l’Afrique que je connais et je commençais à désespérer en m’imaginant que ce grand continent pouvait ressembler partout à Kinshasa.
Cette courte expérience en Ouganda m’a redonné de l’espoir. Elle m’a aussi permis de comprendre comment mes amis pouvaient aimer vivre dans certains pays de ce continent. Précédemment, il m’était difficile de les imaginer en moto sur les routes de Bamako, voyageant en taxi à Abidjan, être libre, …
Ce voyage m’a également permis d’avoir une courte réflexion sur les différentes « colonisations ». Je me suis rappelé mes lectures durant mes études sur l’Etat importé, l’occidentalisation de l’ordre politique de Bertrand Badie. L’Ouganda, colonisée par les Britanniques avec un système politique décentralisé, a été moins néfaste que celui de la Belgique. Je suis maintenant curieuse de découvrir un pays anciennement colonisé par la France et son Etat méga centralisé.
Pendant ce séjour, mes amis et moi nous n’avons pas arrêté de comparer certains aspects de l’Ouganda avec la RDC. Cet exercice a été une torture pour moi : plus ça allait et plus je redoutais le retour à Kinshasa. Je me suis donc vite obligée à stopper cette torture. Mais il était impossible de ne pas remarquer la différence de la qualité de vie entre les deux pays. Au supermarché du coin, j’achète ce que je ne trouve pas à Kinshasa : des pinces à linge, 2kg de café de très bonne qualité à un prix raisonnable, et une réserve de briquets qui marchent.
Je me désintoxique petit à petit, après trois mois de Kinshasa dans les veines. Je réapprends à me sentir libre.
Je marche dans les rues d’Entebbe et de Kampala sans peur après avoir balayé les craintes kinnoises qui me collaient à la peau. Curieusement, je me sens comme je me sentais en Amérique du sud : des bus urbains et interrégionaux qui fonctionnent dans le même chaos latino américain, des motos-taxi partout…
Dans les rues de Kampala et d’Entebbe, les berlines et les 4x4, presque exclusivement des Toyota, ont remplacé les Mercedes kinoises qui s’engouffrent dans les trous et lacs qui font partis de la décoration urbaine.
Depuis que je suis arrivée, je dors comme si je n’avais pas dormi depuis 3 mois. Je récupère de la grosse fatigue laissée par la malaria, mais surtout par les effets néfastes des médicaments. Le stress retombe également.
Vers Fort Portal
Sur un coup de tête, nous décidons d’aller à Fort Portal pour compenser le fait que l’on a pas pu aller au Parc National de Murchison Falls. On quitte notre hostal de backpackers de Kampala. On ne sait pas très bien s’il y a des bus, à quelle heure et d’où ils partent, mais on y va. Ici, c’est le pays du possible. On s’arrête au bord de la route où se trouvent d’autres personnes en train d’attendre. À la différence de Kinshasa, ici personne ne court vers le bus, ni se chamaille pour prendre les places précieuses : il y a des bus qui passent toutes les minutes. Nous demandons quel bus nous devons prendre pour aller au terminal de bus inter régionaux. On nous explique comment déchiffrer les signes codés des mains des assistants de chauffeurs pour informer les passagers dans quelle direction ils vont.
On trouve le bus qui part à Fort Portal. Le bus part dès qu’il se remplit. Nous sommes les seuls Muzungu (« Blancs » en swahili) dans le bus ; les gens nous regardent avec curiosité, mais bizarrement je ne me sens pas étrangère.
Pendant l'attente, j'aperçois un grand panneau "3ème jour de prière annuel national-Thème: vous transformez de rechercheur d'emploi à créateur d'emploi".
Un petit bout de femme s’assoit à côté de moi au fond du bus. Anna a 16 ans, mais elle fait physiquement beaucoup plus jeune. Elle est curieuse et intelligente. C’est la seule fille de 9 enfants. Elle se rend à Fort Portal où vit sa mère : l’école a repris. Elle a les cheveux très courts, au naturel, comme la plupart des Ougandaises. Elle nous demande d’où est ce qu’on vient. De France ? d’Allemagne ?
Je lui dit que mon père est italien et ma mère française, donc je suis les deux. Elle me répond : « Ici, on est d’où le père vient, donc tu es italienne. » Elle nous montre ses cahiers d’école de ses cours d’histoire : « L’implication de l’Afrique de l’Est dans la 1ère et 2ème Guerre Mondiale ». Je feuillette ses cahiers et j’essaye de déchiffrer son écriture. Je ne connaissais pas cette partie de notre histoire.
Elle a choisi comme option Littérature plutôt que le français. Elle voudrait devenir écrivain, mais sa mère veut qu’elle devienne médecin. Mais elle ne sait pas si elle pourra aller à l’université car les droits d’entrée sont chers. C’est un Anglais, qu’elle ne connaît pas, qui lui paye les droits d’inscription au collège. Elle semble très intéressée par l’Allemagne et par mon compagnon de voyage, un Allemand. Elle veut voir les photos de notre voyage. Mon ami lui passe sa caméra : il y a aussi des photos de l’Europe. Elle nous trouve courageux de vivre loin de notre famille et amis pour aider les autres. Je lui réponds : « On essaye d’aider les autres, on n’y arrive pas tout le temps, mais on fait de notre mieux. Le principal c’est toujours de faire de son mieux, quoi qu’il arrive et même si on n’y arrive pas, pour ne pas regretter. »
Nous voyons défilés le paysage par la fenêtre, le long de cette route en ligne droite: forêts de toutes sortes, champs de thé à perte de vue … Partout la terre est cultivée.
On échange nos emails avec Anna. Elle descend du bus et nous, on continue jusqu’au terminal. Le voyage a été rapide : 4h30 pour faire 350km.
On demande comment aller au lac. On marche jusque la station de taxis collectifs. On met nos sacs à dos dans le coffre. On s’assoit derrière. 1, 2, 3, 4 personnes devant, 1, 2, 3, 4 personnes et demi à l’arrière. Un des passagers partage le siège du chauffeur. «Mais comment fait-il pour changer les vitesses ? Mais il arrive à mettre les pieds sur les pédales ? Cette carcasse surchargée arrivera-t-elle à destination ? » Ces situations me font rire.
Sur le chemin de terre rouge le chauffeur conduit doucement. Il s’arrête en cours de route pour prendre un autre passager malgré les protestations des autres passagers : il n’y a pas de place ! Finalement, une dame va s’asseoir sur les genoux du nouvel arrivant. La jeune femme avec son bébé à côté de moi semble ennuyée. Nous sommes maintenant 9 et demi dans la voiture 5 places : 4 à l’avant et 5 et demi à l’arrière. Le nouveau passager commence à gigoter. Il parle dans sa langue. Je comprends les mots « telephone number », « sim card » : il cherche son portable. La voiture s’arrête. Il descend, fait bouger tout le monde. Je découvre un autre bébé qui voyage à bord avec nous. Nous sommes donc officiellement 10 personnes dans la voiture. Le monsieur nous regarde et nous confirme en anglais qu’il ne trouve pas son portable. Nous sommes trop loin pour faire demi-tour. La voiture redémarre. La femme avec le bébé descend un peu plus loin sur un croisement où il y a des gens qui l’attendent. Pendant ce court arrêt, quelqu’un essaye de nous vendre un calendrier 2009 d’Obama.
Après 45 minutes de voyage, on arrive à notre destination : le Enfuzi Community Camp site, perché en haut du lac Nkuruba, situé dans le cratère d’un ancien volcan. Le soir, il fait frais et c’est presque agréable de dormir sous une couverture.
Le lendemain on décide de faire une longue marche de 4 heures sous le soleil (il n'y a presque pas d'ombre, les arbres ont été coupés) pour rejoindre la cascade Mahoma. Après un petit-déjeuner copieux, on entreprend notre marche vers 7h30 du matin, à la même heure que les écoliers. Ils nous rejoignent vite : «Muzungu, how are you ? » Cette chanson va nous suivre pendant presque tout notre chemin, comme un refrain. Nous sommes l’attraction des enfants mais pas seulement. Les enfants s’arrêtent de pleurer pour nous chanter « Muzungu how are you ? » Les travaux dans les champs s’arrêtent à notre passage « Muzungu how are you ? » Il n’y a aucune haine ni méchanceté dans leurs yeux, mais plutôt de la curiosité.
Les quelques enfants qui nous ont rejoint sont habillés en rose pour les filles et bleu pour les garçons. Parfois, les grands frères portent les chemises roses des sœurs, mais ne portent pas de jupe, sinon un short bleu. Certains sont pieds nus, d’autres ont des sandales. Les enfants courent pour faire un bout de chemin avec nous et nous parler. Des enfants, allant dans le sens contraire vers une autre école, viennent nous toucher la main et partent en riant. Tout d’un coup je me retourne et ce n’est plus 3-4 enfants qui nous suivent mais une école entière ! Ils se sont tous empressés pour marcher avec nous et nous observer, j’imagine.
On traverse des villages. Je suis impressionnée par les maisons en paille et terre, soigneusement entretenues et balayées. Des maisons en construction nous permettent d’apprécier la technique de fabrication.
Le soir, je mange du Matoke, sorte de pâte de banane verte, avec une sauce de ground nuts, histoire de reprendre des forces.
De retour à Entebbe, nous nous arrêtons sur une plage du Lac Victoria. Il me fait penser au Lac Titikaka, avec cette étendu à perte de vu. Le lendemain, on enjambe des moto-taxis et on y retourne pour y passer notre dernière journée. Sur la moto, je ressens les mêmes sensations qu’à Kathmandu et je me rappelle avec nostalgie mes escapades avec N. à Hetauda.
J’installe ma serviette sur le sable au soleil et je me mets à dévorer le livre qui m’a accompagné tout le long du voyage, Danse du Léopard de Liève Joris, pendant que le clapotis des vagues me berce. Dans son livre, Joris raconte son voyage dans le Congo lors de la chute de Mobutu et la prise du pouvoir par Kabila. Je tourne la dernière page du livre. Le retour à Kinshasa m’effraie. L’angoisse me revient à l’idée que le lendemain je perdrai ma liberté. Comment je trouverai Kinshasa ? Y aura-t-il des attaques des rebelles ? C’est la guerre là-bas, comme décrit dans les dernières pages du livre ? J’ai tellement été immergée dans le livre que je ne me souviens plus comment était Kinshasa lorsque je suis partie, il y a une semaine. J’ai le ventre noué et la gorge serrée ne sachant plus à quoi m’attendre lors de l’atterrissage.
Je ferme le livre.
1 commentaire:
Ouah ! Quel talent.. on a l'impression d'y être quand on te lis. C'est un vrai bonheur d'avoir de tes nouvelles. La vie n'a pas l'air facile et j'espère que tu n'en ressortiras pas trop cabossé.
Je t'embrasse bien fort,
M.
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