C’est avec cette phrase que Che Guevara commence son récit sur sa tentative de soutien à la guerre soi-disant révolutionnaire de Kabila père au Congo. Je ne voulais pas commencer mon article comme le Che après tous ces mois de silence. Malheureusement je ne vois pas d’autre meilleur début. Comme les Cubains venus ici en solidarité avec les peuples opprimés, je suis tombée dans un « processus de décomposition de [mon] moral de combattants. » Je n’oserai pas m’attribuer l’adjectif de combattante (quoi que) et je ne peux pas me comparer aux révolutionnaires cubains, ce serait de ma part prétentieux. Cependant, je ne peux pas m’empêcher de ressentir ce que le Che décrit dans ses mémoires. Après un an de combat infructueux, les Cubains sont partis de ce pays. Je sens que mon sort sera le même. Je ne vois pas d’autres solutions pour garder ma santé morale, ma motivation, mes forces. Ces derniers mois, je suis passée par des états que je n’avais jusqu’alors jamais expérimentés : des états de déprime cyclique, des crises d’angoisse fréquentes, et trop de cigarettes parties en fumée. Certains passages de son carnet me parlent. Ma colère et ma rage vont en grandissant au fur et à mesure de mon séjour ici.
Le Che cherchait la « cubanisation » des Congolais et « le résultat fut diamétralement opposé et (…) avec le temps [il] assistât en fait à la « congolisation » des Cubains. »
Comme ces fonctionnaires. Je vois des fonctionnaires de grandes organisations européennes sous-louer une chambre de leur maison payée par leur organisme, comme des crèves la faim. Alors que dans leur pays, ceci s’appellerait de l’hospitalité, du dépannage, de la solidarité…
Je vois des Congolais qui perdent leur enfant à cause d’une banale diarrhée qui n’a pas pu être soignée à l’hôpital vétuste du village. Au même moment, les journaux informent que l’argent servi dans les caisses de l’Etat par Mobutu, et bien au chaud dans des comptes en Suisse, ne sera pas rendu au pays, mais rendu à la famille du défunt comme si c’était un dû.
Je vois un boulevard crevassé et verdoyant transformé par les Chinois en autoroute de la mort, dépouillé de ses arbres centenaires (on attend encore de voir le résultat fini après 6 mois de chantier !). Ils ont coupé les arbres, sans fermer la circulation. Je vois des arbres coupés qui sont tombés sur le toit des maisons, des troncs laissés là. Je vois des manguiers en morceaux qui nourrissaient les plus démunis lorsqu’ils ombrageaient encore les rues.
Ils se sont rendu compte trop tard qu’il fallait peut-être mettre en place un système d’évacuation d’eau avant de faire un boulevard à 6 voies.
Le rond-point Mandela avec sa belle colombe blanche, les ailes déployées, qui ralentissait les voitures folles a été mise dans un coin de l’Avenue de la Justice, cachée, abîmée par le déménagement. La colombe maintenant surveille les policiers qui arrêtent les voitures pour quelques centaines de francs. Comme le Che l’écrivait déjà au début des années soixante, les soldats préféraient piller les villageois (faibles) plutôt que de s’en prendre aux chefs, les responsables de leur infortune. Encore maintenant c’est la population qui paye l’infortune des gens en uniforme.
Maintenant plus rien n’arrête les voitures délabrées et les bus surchargées. Je vois des enfants qui n’arrivent plus à traverser le boulevard sans risquer de se faire écraser. Le terre-plein, qui séparait les voies et qui servait de refuge pour les piétons qui tentaient de traverser le boulevard, a disparu.
Ce chantier fait parti des « 5 chantiers de Kabila ». Quels sont les autres chantiers pour la population? La construction d’un hôtel 5 étoiles ? Kinshasa est devenu un énorme chantier : des investisseurs construisent de partout des immeubles de luxe, moderne. Mais tout ça c’est pour le bénéfice de qui ?
Je vois l’Avenue du Commerce sous les eaux, les commerçants les pieds dans la boue alors qu’il n’a pas plu depuis avril.
Il n’y a rien de plus déprimant que de lire les journaux congolais, pleins de fautes d’orthographe, d’articles copiés d’un journal à l’autre, et des nouvelles qui ne traduisent aucune lueur d’espoir pour la situation du pays : Viols, massacres, déplacés par milliers, impunité, salaires impayés depuis des mois, corruption banale à tous les niveaux, et le silence de Kabila… Où est-il ? Que fait-il ?
Par contre il ne faut pas dépiter le moral des soldats par les mauvaises nouvelles. Il vaut mieux couper les fréquences de RFI dans l’Est.
Des élections locales en 2010 ? Non mais, on se permet encore de rêver ! De toute façon la communauté internationale continuera à mettre la main à la poche pour finalement remplir les comptes en banque des dirigeants de ce pays.
Ce texte est aussi moche que ce que je tente de décrire.
Je n’arrive plus à écrire, je n’ai plus envie d’écrire.
Le Che cherchait la « cubanisation » des Congolais et « le résultat fut diamétralement opposé et (…) avec le temps [il] assistât en fait à la « congolisation » des Cubains. »
Comme ces fonctionnaires. Je vois des fonctionnaires de grandes organisations européennes sous-louer une chambre de leur maison payée par leur organisme, comme des crèves la faim. Alors que dans leur pays, ceci s’appellerait de l’hospitalité, du dépannage, de la solidarité…
Je vois des Congolais qui perdent leur enfant à cause d’une banale diarrhée qui n’a pas pu être soignée à l’hôpital vétuste du village. Au même moment, les journaux informent que l’argent servi dans les caisses de l’Etat par Mobutu, et bien au chaud dans des comptes en Suisse, ne sera pas rendu au pays, mais rendu à la famille du défunt comme si c’était un dû.
Je vois un boulevard crevassé et verdoyant transformé par les Chinois en autoroute de la mort, dépouillé de ses arbres centenaires (on attend encore de voir le résultat fini après 6 mois de chantier !). Ils ont coupé les arbres, sans fermer la circulation. Je vois des arbres coupés qui sont tombés sur le toit des maisons, des troncs laissés là. Je vois des manguiers en morceaux qui nourrissaient les plus démunis lorsqu’ils ombrageaient encore les rues.
Ils se sont rendu compte trop tard qu’il fallait peut-être mettre en place un système d’évacuation d’eau avant de faire un boulevard à 6 voies.
Le rond-point Mandela avec sa belle colombe blanche, les ailes déployées, qui ralentissait les voitures folles a été mise dans un coin de l’Avenue de la Justice, cachée, abîmée par le déménagement. La colombe maintenant surveille les policiers qui arrêtent les voitures pour quelques centaines de francs. Comme le Che l’écrivait déjà au début des années soixante, les soldats préféraient piller les villageois (faibles) plutôt que de s’en prendre aux chefs, les responsables de leur infortune. Encore maintenant c’est la population qui paye l’infortune des gens en uniforme.
Maintenant plus rien n’arrête les voitures délabrées et les bus surchargées. Je vois des enfants qui n’arrivent plus à traverser le boulevard sans risquer de se faire écraser. Le terre-plein, qui séparait les voies et qui servait de refuge pour les piétons qui tentaient de traverser le boulevard, a disparu.
Ce chantier fait parti des « 5 chantiers de Kabila ». Quels sont les autres chantiers pour la population? La construction d’un hôtel 5 étoiles ? Kinshasa est devenu un énorme chantier : des investisseurs construisent de partout des immeubles de luxe, moderne. Mais tout ça c’est pour le bénéfice de qui ?
Je vois l’Avenue du Commerce sous les eaux, les commerçants les pieds dans la boue alors qu’il n’a pas plu depuis avril.
Il n’y a rien de plus déprimant que de lire les journaux congolais, pleins de fautes d’orthographe, d’articles copiés d’un journal à l’autre, et des nouvelles qui ne traduisent aucune lueur d’espoir pour la situation du pays : Viols, massacres, déplacés par milliers, impunité, salaires impayés depuis des mois, corruption banale à tous les niveaux, et le silence de Kabila… Où est-il ? Que fait-il ?
Par contre il ne faut pas dépiter le moral des soldats par les mauvaises nouvelles. Il vaut mieux couper les fréquences de RFI dans l’Est.
Des élections locales en 2010 ? Non mais, on se permet encore de rêver ! De toute façon la communauté internationale continuera à mettre la main à la poche pour finalement remplir les comptes en banque des dirigeants de ce pays.
Ce texte est aussi moche que ce que je tente de décrire.
Je n’arrive plus à écrire, je n’ai plus envie d’écrire.